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LES PRIORITÉS POUR LA SANTÉ MENTALE...

LES PRIORITÉS POUR LA SANTÉ MENTALE



Didier HOUSSIN s’entretient avec Marine JORAS

« Du point de vue de la santé publique, le refus d'évaluation d'une discipline,
quelle qu'elle soit, est irrecevable, même si chaque spécialité a ses spécificités 
et si les outils à utiliser sont différents. »

Comme en témoigne le plan Santé mentale 2005-2008, la psychiatrie est considérée, par les autorités sanitaires, comme une priorité de santé publique. Au-delà de sa dimension médicale, cette spécialité s'inscrit en miroir de la société contemporaine et ne peut s'exercer sans l'apport des sciences humaines et sociales. Mais elle est aussi aujourd'hui imprégnée des progrès de la neurobiologie, qui éclaire de façon nouvelle les maladies psychiatriques. Tour d'horizon avec le directeur général de la Santé, le Pr Didier Houssin.

En quoi la santé mentale est-elle une priorité de santé publique ?

La psychiatrie dépasse le champ des maladies mentales, elle est au cœur des souffrances qui se sont développées dans notre société, celles liées à la précarité notamment. On peut être indemne de pathologie psychiatrique et ne pas être en bonne santé mentale. Si les progrès de la neurobiologie ouvrent la voie à une nouvelle approche des maladies psychiatriques, l'apport des sciences humaines et sociales dans la démarche psychiatrique ne doit pas être négligé, bien au contraire, il devrait être encore plus intégré. A cet égard, un décloisonnement des structures universitaires est tout à fait souhaitable, avec en particulier des passerelles entre les UFR de sciences sociales et humaines et les facultés de médecine.

Face à une demande accrue de soins psychiatriques, comment combler le manque de psychiatres qui devrait encore s'aggraver dans les années à venir ?

Ce problème démographique touche la plupart des spécialités médicales et effectivement de façon particulièrement aiguë en psychiatrie. Il se pose sur le plan quantitatif - et l'augmentation du numerus clausus ne va pas le résoudre avant une dizaine d'années - et sur le plan géographique avec des zones « désertifiées ». Pour pallier les manques, sans doute faut-il repenser certains transferts de tâches et s'inspirer d'expériences menées dans d'autres pays européens, avec en particulier la délégation aux psychologues de certaines missions.

Va-t-on vers une hyperspécialisation des psychiatres hospitaliers ?

Il faut éviter cette tendance à la surspécialisation, qui empêche une approche globale du patient et de la maladie. Si l'hyperspécialisation signe un approfondissement du savoir, assure une expertise et apporte indéniablement une meilleure qualité de soins dans certaines situations complexes, dans la majorité des cas, elle est inutile, voire préjudiciable, à moins d'une réelle spécificité, comme c'est le cas pour la pédopsychiatrie notamment.

La France se singularise par un taux élevé de suicides, en particulier chez les jeunes. Quelles sont les actions de prévention mises en œuvre pour en finir avec ce triste record ?

Diminuer le nombre de suicides est l'un de nos objectifs prioritaires. Nous avons mis en place un programme spécifique de formation et de mobilisation, en particulier aux urgences, dénommé « stratégie suicide ». Il est en cours d'évaluation. Les premières données sont encourageantes. Ce qui est en train de réussir en matière d'accidentologie, nous voudrions aussi l'obtenir en matière de suicide. La mortalité des jeunes, en particulier, est un problème majeur de santé publique. Il faut que tous se mobilisent, les pouvoirs publics bien entendu, les professionnels de santé évidemment, mais aussi les familles les plus à même de dépister les signes annonciateurs, à condition d´être informées et sensibilisées.

Où en est le projet de campagne sur la dépression ?

Le projet est en cours, nous avons le cahier des charges, nous avons le budget, reste à construire la campagne elle-même qui sera menée par l´Inpes*. Il faut en effet trouver le ton juste qui évite la stigmatisation, mais aussi l'amalgame entre dépression maladie et « blues ». Nous nous distinguons, en effet, par une très forte consommation de psychotropes, mais, paradoxalement, de nombreux patients souffrant de dépression ne sont pas traités, une minorité est traitée, mais tardivement, et pas toujours par le bon médicament, ni pour la bonne durée. C'est du bon usage des antidépresseurs et des anxiolytiques qu'il s'agit. A cet égard, nous manquons cruellement de données pharmaco-épidémiologiques. Pour améliorer la prise en charge des patients et la prescription de ces classes thérapeutiques, il faudrait savoir qui est traité, pourquoi, combien de temps, dans les indications de l'AMM ou en dehors.

La question de l'évaluation des pratiques reste un sujet tabou pour la majorité des psychiatres comme on l'a vu récemment. L'évaluation est-elle incompatible avec le colloque singulier qui préside à toute intervention psychiatrique ?

Du point de vue de la santé publique, le refus d'évaluation d'une discipline, quelle qu'elle soit, est irrecevable, même si chaque spécialité a ses spécificités et si les outils à utiliser sont différents. La DGS souhaite que la communauté psychiatrique elle-même propose des critères d'évaluation de son ou plus exactement de ses activités. Nous nous y employons.

(1) Inpes : Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

Propos recueillis auprès du Professeur Didier Houssin, directeur général de la Santé (DGS),  par le Docteur Marine Joras pour Neuropsy News (2 février 2006): 

http://www.neuropsy.fr/information/index.cfm?fuseaction=ViewArtThemesActu&DArtIdx=362630&DRubIdx=5

La phrase mise en exergue l’a été  par Psychothérapie Vigilance.


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