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LES HOMÉOPATHES SONT-ILS DES CHARLATANS ? (Elie Arié)...

LES HOMÉOPATHES SONT-ILS DES CHARLATANS ? (Elie Arié)



par Élie ARIÉ

« L'homéopathie, comme tout médicament, comporte un effet placebo. 
Mais le problème que souligne le médecin Elie Arié est que l'homéopathie
n'a aucune obligation juridique de prouver une efficacité supérieure
à cet effet placebo pour commercialiser un médicament. »

 

Il est très amusant de voir comment l’homéopathie s’astreint à fournir des tas d’explications pseudo-scientifiques - mémoire de l’eau, radicaux, etc. - que personne n’exige d’elle. En médecine, on ne procède pas ainsi. On constate que certaines choses marchent ou non, et on leur cherche ensuite des explications, que l’on ne trouve pas toujours. Les faits sont là, mais les théories évoluent. Prenez l’aspirine, découverte à la fin du XIXe siècle : ce n’est que dans les années 1960 qu’on a commencé à comprendre comment elle fonctionnait.

Mais le problème de l’homéopathie est que sa théorie n’a guère évolué depuis deux siècles, et qu’elle est restée imperméable à toutes les découvertes faites depuis lors en physique, en génétique, en biochimie, en physiologie, en pharmacologie, en immunologie, en biologie, etc. : elle s’est définitivement figée. Si elle existait encore dans huit siècles, sa théorie sera toujours la même : or, une théorie qui ne se remet pas en cause lorsqu’apparaissent des faits incompatibles avec elle, c’est du dogmatisme.

L’homéopathie ne repose que sur l’effet placebo, qui n’est pas ce que les gens croient. On estime souvent qu’il s’agit de suggestion, que cela ne fonctionne que sur les gens un peu idiots ou naïfs ou hystériques. Or, c’est quelque chose de tout à fait différent. Lorsque des personnes souffrent de quelque chose et que vous leur donnez un médicament inerte, une mie de pain enveloppée de sucre par exemple, un certain nombre d’entre elles se sentiront mieux que si vous ne leur aviez rien administré. Ça n’a rien à voir avec la suggestion, parce que cela marche avec les nouveau-nés ou avec les animaux domestiques. Rien à voir non plus avec les connaissances médicales ou le niveau intellectuel. Et il n’est pas du tout obligatoire d’y « croire » pour que ça marche. Moi-même, lorsque je prends de l’aspirine, mon mal de tête va mieux au bout de dix minutes, alors que je sais très bien que la molécule ne peut commencer à agir qu’au bout d’au moins une demi-heure. On n’en sait pas plus et ce n’est pas la peine de faire semblant d’en savoir plus.

Il y a toujours un effet placebo associé à l’action de tout médicament, même les plus puissants : et voilà pourquoi faire la preuve de l’efficacité d’un médicament, c’est faire la preuve que son effet est plus important que celui de l’effet placebo qui lui est toujours associé, par des méthodes aujourd’hui bien standardisées. Pour obtenir le droit de commercialiser son produit comme un médicament, un laboratoire doit obligatoirement fournir ces preuves.

Or l’homéopathie bénéficie d’un passe-droit juridique que beaucoup de gens ignorent : les médicaments homéopathiques sont dispensés de fournir aux autorités de santé ces preuves. Il est seulement nécessaire de démontrer que l’usage homéopathique du produit est une habitude établie depuis longtemps... et c’est tout ! Autrement dit : un médicament homéopathique n’est pas juridiquement défini par son action et par ses effets, mais uniquement par la tradition de son usage ! Accepterait-on cela pour n’importe quel autre médicament ? Alors, il faut choisir :

-       -  soit les homéopathes sont en mesure de fournir des études sérieuses : ils n’ont alors pas besoin du passe-droit et ils devraient être les premiers à demander sa suppression ;

-      - soit ils n’ont pas de résultats probants, et ils gardent le passe-droit : mais qu’ils ne se plaignent pas alors de leur réputation de charlatanisme …

L’homéopathie n’est pas tout à fait inutile : elle est intéressante au même titre que tous les effets placebo. Ni plus ni moins. Certaines personnes se sentent mieux : ce n’est pas rien. Si cela agit sur certains patients, tant mieux ! La seule question qui vaille est : « Est-ce que vous vous sentez mieux avec l’homéopathie ? » Si c’est oui, continuez d’en prendre, d’en acheter. Mais que cela ne soit ni vendu comme un médicament, ni remboursé !

Simplement, l’homéopathie est remplaçable par n’importe quel autre placebo : alors que, par exemple, il est inutile de remplacer un médicament antituberculeux par de la pénicilline qui n’a aucun effet sur le bacille de la tuberculose, l’homéopathie, elle, peut être remplacée par n’importe quoi d’autre. Certains traitements sont nécessaires partout et, si des pays n’en disposent pas, c’est qu’ils n’en ont pas les moyens. Or, la diffusion de l’homéopathie dans le monde est très inégale : les Etats-Unis et le Japon, deux pays riches gros consommateurs de médicaments, n’utilisent plus l’homéopathie. Pourtant, si elle était aussi efficace que le prétendent ses partisans, elle serait utilisée partout.

Pourquoi les gens y croient ? Je me demande si la vraie raison n’est pas qu’ils savent, inconsciemment, que ce ne sont pas, en réalité, des médicaments, et qu’ils ne risquent rien : un groupe de sceptiques britanniques a organisé, le 30 janvier dernier à 10 heures et 23 minutes précises, une « overdose collective » en avalant d’un coup des doses astronomiques de toutes sortes de médicaments homéopathiques... évidemment sans le moindre effet. C’est une façon d’agir tout en évitant la médecine. Parce que la médecine, ça fait peur et parfois, ça cause du tort. Tous les médicaments actifs peuvent avoir des effets secondaires, parfois graves, et il s’agit toujours de savoir si cette prise de risque est justifiée : la médecine, c’est le choix permanent du rapport bénéfice/risque, avec toujours une certaine part d’incertitude ; mais, avec l’homéopathie, il n’y a plus ni risque ni incertitude.

Ce qui est certain, c’est qu’aucune des grandes maladies plus ou moins vaincues dans le monde, comme les grandes épidémies infectieuses, ne l’a jamais été grâce à l’homéopathie…Avec celui des hautes dilutions qui ne contiennent plus aucune molécule du produit prescrit, c’est là l’autre « grand mystère arithmétique » de l’homéopathie : ça marcherait très bien au cas par cas, et puis, quand on fait l’addition au niveau d’une population, ça ne marche pas du tout !

* Elie Arié est médecin - Dimanche 14 Mars 2010
http://www.marianne2.fr/Les-homeopathes-sont-ils-des-charlatans_a189765.html?com#comments/ (suivi de 374 commentaires divers (le 8 mars 2011).


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