LES RAPPORTS SEXUELS ENTRE PSYS ET PATIENT(E)S,
HISTOIRE D'UNE OMERTA
10 % des psys auraient déjà couché avec un patient! Ou, le plus souvent, une patiente… Qui sont les abuseurs? Que peuvent faire les victimes?
Enquête sur un tabou persistant de la profession.
Adeline ne savait pas dire non aux hommes. Pour apprendre à se faire respecter, elle consulta un psy... Mais coucha avec.
L’individu en question était un psychologue du travail, rencontré à l’ANPE, auquel elle demanda s’il pourrait l’aider à résoudre ce problème personnel. Comme il n’était pas à l’ANPE pour cela, il posa comme condition de voir Adeline en dehors de ce cadre, en l’occurrence dans un café. Dont acte. Elle lui raconte alors que si elle s’autorise à avoir des rapports sexuels avec n’importe qui, y compris des hommes qui lui déplaisent, c’est peut-être parce qu’elle a été victime d’inceste. En réponse, le psy lui propose une thérapie basée sur la photographie: il est question de reconstituer le contexte des abus sexuels, de mettre en scène les événements pour mieux les contrôler, en s’en distançant grâce aux clichés. «On a travaillé sur la représentation de l’inceste, explique Adeline. Il a dit que peut-être la photo m’aiderait. C’est-à-dire qu’il fallait considérer ma séduction comme un phénomène d’ordre esthétique, et non plus moral. Le sexe a été très culpabilisé chez moi. Il fallait que je mette en scène ma sexualité de façon détachée.» Elle le voit venir avec ses gros sabots, mais l’accueille chez elle pour travailler plus tranquillement. Il lui fait jouer le rôle d’une petite fille, l’hypnotise à moitié, joue le rôle du père… On devine la suite. Quelques jours plus tard, il la rappelle, surpris qu’elle ne se manifeste plus. «Alors? Boudeuse?» demande-t-il. Elle lui raccroche au nez. Pas question de porter plainte: inutile d’avouer qu’elle s’est laissé avoir de manière aussi grossière. Et puis, comment prouver les événements? «De toute façon, conclut Adeline, c’est ma faute.»
Un tabou, et une vieille histoire
Les relations sexuelles entre psys et patient(e)s constituent un sujet tabou. Les livres consacrés à la question se comptent quasiment sur les doigts de la main. Dans l’un d’eux (1), la psychanalyste Louise De Urtubey (décédée en 2009) se fait l’écho d’une explication avancée de temps à autre: si les praticiens du divan, pour ne citer qu’eux, présentent des scrupules à évoquer le sujet, ce serait «pour ne pas effrayer les jeunes psychanalystes en formation». Excuse d’autant plus curieuse que, remarque l’auteure, les jeunes en question ont une moyenne d’âge de 40 à 50 ans!
Semblables incartades sont pourtant une vieille histoire, dont certains cas s’avèrent bien documentés. On sait qu’entre autres liaisons, Carl Jung, si marié fût-il, s’enticha pendant quatorze années explosives de sa patiente Sabina Spielrein. Que Sandor Ferenczi, qui embrassait régulièrement ses patientes, s’éprit de l’une d’elles, puis de sa fille, se demandant laquelle il épouserait. Il opta pour la mère, sur l’injonction de Sigmund Freud, qui n’avait vraiment pas besoin de ce genre de publicité pour une psychanalyse déjà accusée de tous les maux avec son intérêt théorique pour la sexualité. On pourrait mentionner certaines privautés d’autres analystes comme Wilhelm Stekel, Oskar Pfister, ou Ernest Jones, qui fonda la Société britannique de psychanalyse, d’où fut exclu Masud Kahn pour les contacts répétés avec ses clientes. Sans oublier Otto Rank et René Allendy, qui succombèrent au charme de la même femme, Anaïs Nin, et bien sûr Wilhelm Reich, qui commença par frotter les fesses de ses patientes avant d’élaborer une théorie, abondamment illustrée par la pratique, de libération thérapeutique de l’énergie sexuelle. Mais ne blâmons pas que quelques psychanalystes. Dans les années 1960, la station balnéaire d’Esalen, en Californie, fut le centre d’expérimentation d’une multitude de thérapies incluant volontiers sexe, drogues et mysticisme. L’un des psys de cette pépinière, le fondateur de la Gestalt-thérapie, Fritz Pearls, ne dédaignait pas embrasser ses patientes, tel jadis Ferenczi, et entretint une liaison avec l’une d’elles. Les privautés ponctuelles ou liaisons au long cours, dénoncées comme abus de pouvoir, nuisance à la thérapie et même fraude (la patiente croyant parfois être soignée ainsi), finirent par être suffisamment répertoriées pour se voir explicitement interdites par des codes de déontologie américains, notamment en psychiatrie (1973), psychologie (1977), et psychanalyse (1983). Les relations sexuelles initiées ou acceptées par les psys sont proscrites même après la fin d’une thérapie, dans des délais variables suivant les codes.
Des chiffres impressionnants
Ces pratiques ont-elles disparu? (...)
Pour lire la suite: http://www.psyvig.com//doc/doc_186.pdf
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