COMPLEXITÉ ET ÉVOLUTIONS DU CONCEPT DE SOIN
par Michel MONROY *
On ne peut comprendre l’engouement actuel, tant pour les médecines « alternatives » que pour les psychothérapies « originales », qu’en les remettant en perspective avec les variations culturelles et historiques de la notion de Soin. Il ne s’agit pas ici d’émettre un jugement de valeur mais de tenter d’explorer certaines mentalités contemporaines.
La notion de Soin, ou plus largement de recours à un tiers chargé de chasser le Mal ou d’apporter un mieux, fait intervenir plusieurs paramètres dont chacun prête à débat.
Le problème sans doute le plus ancien, mais également le plus actuel, concerne les rapports du corps et de l’esprit, ou si l’on préfère du Somatique et de la Psyché. Un autre problème concerne la distinction du Bien et du Mal dans laquelle s’inscrit le soin. Contrairement aux apparences, l’accord est loin d’être fait sur ce point qui semble très lié aux contextes culturels. L’exemple des vaccinations, des trafics d’organe, du clonage humain l’illustre bien.
Un autre paramètre concerne l’axe de la Connaissance, - des causes, des processus et des remèdes. Sur cet axe, se situent à l’opposé, d’une part le Connaissable, vérifiable, voire maîtrisable, d’autre part l’Inconnaissable, le secret échappant aux protocoles de soins reproductibles, et que seuls les initiés prétendent explorer.
Un autre paramètre de l’intervention « thérapeutique » concerne les objectifs, qui vont du soulagement de la souffrance et du traitement d’une pathologie à la quête de performances - intellectuelles ou sportives-, à la conquête du bonheur, voire de la Félicité Suprême dans l’Au-delà. Dans le même ordre des finalités, le soin se définit par ses bénéficiaires prioritaires : il peut s’agir d’un individu, d’un tiers exploitant, d’une communauté limitée ou encore d’une société toute entière quand il s’agit de mesures épidémiologiques.
Un autre paramètre concerne la position fonctionnelle et statutaire du « thérapeute », disons plutôt de l’intervenant. Cette position peut être revendiquée comme celle d’un simple technicien appliquant une procédure, mais, dans des registres différents comme celle d’un moniteur, animateur, guide, formateur, analyseur, artiste praticien, « Sujet supposé savoir », et à l’extrême révélateur, initié-initiateur, maître à penser, interprète de l’Inconnaissable et gourou.
En résumé, historiquement et selon les cultures, la définition de ce qu’est le Soin ainsi que la demande et l’offre de soins se déterminent en fonction du Connaissable et de l’Inconnaissable dans le cadre considéré, des rapports supposés du somatique et du psychologique, d’une échelle de valeurs et de priorités allant du technique au spirituel, de la prise en compte relative des intérêts individuels, communautaires ou collectifs, d’une gamme de finalités allant de la survie au bonheur ou au Salut, du type de fonctions dévolues à l’intervenant, et enfin des dispositifs réglementaires qui sont le reflet de toutes ces considérations. Or, dans tous ces domaines d’importantes évolutions dans les mentalités ont changé la donne. (...)
Pour lire la suite: http://www.psyvig.com//doc/doc_89.pdf |