Une affaire de sangsues qui dévoile des dérives sectaires
TRIBUNAL DE MÂCON- Comme le titre de psychologue ou de psychiatre, celui psychothérapeute fait partie des titres « psy » protégés par l’État depuis le second décret d’application de la loi Accoyer (votée en 2004) publié en mai 2012.
Depuis cette date, tout psychothérapeute doit être doctorant en médecine ou titulaire d’un master en psychologie, et inscrit sur le registre national psychothérapeutes.
Tel n’était pas le cas d’une prévenue habitant le Clunisois qui, inscrite depuis 1996 comme travailleur indépendant, avait exercé cette profession jusqu’au 3 octobre 2013, soit plus d’un an et demi après la publication dudit décret sans répondre à la réglementation. Elle était citée à comparaître vendredi après-midi en audience collégiale au tribunal correctionnel de Mâcon pour exercice illégal de la profession de médecin, usage et détention non autorisée de stupéfiants, commis du 1er janvier 2005 au 3 octobre 2013, et d’abus frauduleux de la faiblesse sur personnes en état de sujétion psychologique résultat de pression de nature à altérer le jugement, commis du 1er janvier 2005 au 11 septembre 2012.
Des sangsues sur un bébé
«Vous vous êtes auto-proclamée psychothérapeute », lui reprochait le président Dominique Santourian. « J’avais droit à un délai jusqu’en juin 2011 pour régulariser ma situation », a répondu cette femme de 52 ans qui, aujourd’hui, est sans emploi et vit de son allocation AAH (allocation adulte handicapé) dont le montant est de 800 € par mois. Cette affaire avait été dévoilée par une enquête des gendarmes de Charolles qui avaient constaté que la prévenue s’était livrée à des actes thérapeutiques en posant des sangsues sur quatre patients, dont un bébé. « C’est une médecine ancestrale pour laquelle j’ai été formée en Suisse», assurait cette dernière. Tout aurait pu s’arrêter là avec une peine légère pour cette prévenue dont le casier judiciaire était vierge jusque-là.
Trahie par ses amies
Or, en poursuivant leur enquête les gendarmes allaient constater que cette dernière organisait non seulement des consultations individuelles (de 30 à 90 €), mais aussi des thérapies de groupes dans sa maison du Clunisois dont elle tirait de confortables profits (de 150 à 180 € par jour et par personne) en appliquant aussi pour certains de ses patients vulnérables psychologiquement les méthodes coercitives des sectes et en profitant pour leur soutirer de l’argent. En cela, les témoignages de deux de ses anciennes amies qui s’étaient portées partie civile pour récupérer d’importantes sommes d’argent (20 000 € pour l’une et 70 000 € pour l’autre) ont été édifiants. En se référant au magistrat Georges Fénech, président de Mivilude (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), Maître Pierre Dufour a fustigé les psychogroupes qui aggravent les faiblesses et rendent des êtres déconstruits.
Au nom du ministère public, Bénédicte Masson, a requis à l’encontre de la prévenue 2 ans de prison avec sursis, 3 ans de mise à l’épreuve, avec obligation de soins et d’indemniser les victimes, et une interdiction d’exercer un métier en lien avec psychologie. Maître Ludovic Sireau, du barreau de Villefranche-sur-Saône, conseil de la défense a demandé la relaxe de sa cliente en réfutant un à un tous les faits qui lui étaient reprochés. Le tribunal a mis le jugement en délibéré jusqu’au 28 mai prochain.
*Article publié le 30 avril 2015 dans Le Journal de la Saône et Loire sous le titre «Une affaire de sangsues qui dévoile des dérives sectaires». M.Raymond (CLP)
http://www.lejsl.com/edition-macon/2015/04/30/une-affaire-de-sangsues-qui-devoile-des-derives-sectaires |