par A. BOUCHER
« Il n’existe à ce jour aucune donnée validée permettant d'administrer l'Iboga à des fins thérapeutiques.»
L’Iboga est un terme désignant à la fois un arbuste de la famille des apocynacées des régions équatoriales d’Afrique de l’ouest et une préparation élaborée à partir des racines de cet arbuste. L’Iboga contient une douzaine d’alcaloïdes dont l’ibogaïne, psychostimulante et hallucinogène, est la plus abondante. Toutes les parties de l’arbuste en contiennent, notamment l’écorce des racines. Sa structure chimique renferme un noyau indole, commun à bon nombre d’hallucinogènes. Traditionnellement utilisée lors de rites initiatiques et religieux par les populations africaines, cette préparation connaît un certain essor dans nos sociétés occidentales où elle est utilisée de façon confidentielle à des fins présentées comme psychothérapeutiques. L’ibogaïne interagit avec de nombreux neurotransmetteurs : système sérotoninergique, dopaminergique, opioïde, glutamatergique, cholinergique… Elle est très lipophile et métabolisée par le foie en un métabolite actif : la noribogaïne. Son excrétion est essentiellement rénale et sa demi-vie de l’ordre de 7 heures chez l’Homme. Il est toutefois important de noter sa longue durée d’action (jusqu’à 48 heures), attribuée principalement à la noribogaïne (d’élimination plus lente que la molécule mère) et dans une moindre mesure à sa lipophilie.
Des effets neurotoxiques ont été décrits chez l’animal (atteintes cérébelleuses notamment). Chez l’Homme, la consommation d'Iboga est à l'origine de diverses manifestations. Les signes digestifs sont parmi les plus fréquemment rapportés, avec des nausées et des vomissements parfois sévères. Agitation et tremblements sont également souvent mentionnés. La psychostimulation induite par l’ibogaïne peut aller jusqu’à des convulsions. Sur le plan cardiovasculaire, elle peut entraîner une hypotension, une bradycardie (plus rarement une tachycardie), les troubles allant parfois jusqu’à la défaillance cardiaque. Des signes respiratoires avec dyspnée et dépression respiratoire sont également mentionnés. Hypo ou hyperthermie peuvent survenir. Des cas de décès sont retrouvés dans la littérature. Sur le plan neuropsychiatrique, on voit apparaître, à doses élevées, des hallucinations visuelles et auditives. Ces dernières peuvent parfois revêtir un caractère très anxiogène, rappelant un “bad trip” et pouvant induire un passage à l’acte suicidaire. Des sentiments de dépersonnalisation et d'états similaires au “Near Death Experience” (expérience de mort imminente) ont également été décrits. Enfin, la survenue de syndromes sérotoninergiques via certaines interactions médicamenteuses est à redouter.
En raison d'une hypothétique action dans le traitement des dépendances aux opiacés, à la cocaïne ou à l'alcool, des “essais cliniques” visant à évaluer l’efficacité de l’ibogaïne dans la prise en charge des toxicomanies (le plus souvent chez des héroïnomanes) ont débuté aux Pays-Bas et aux Etats-Unis. Ce développement, remis en cause par des publications faisant état d'une neurotoxicité a été interrompu aux Pays-Bas suite au décès d’une patiente.
Il est important de rappeler qu’il n’existe à ce jour aucune donnée validée permettant d'administrer l'Iboga à des fins thérapeutiques.
* Publié en mars 2006, dans le n° 30 de VIGITOX du Centre Antipoison - Centre de Pharmacovigilance - 162, avenue Lacassagne - 69424 Lyon Cedex 03. http://www.centres-antipoison.net/
Rappelons que la substance est déjà classée en Belgique, en Suisse et aux Etats-Unis, et que dans ses propositions du 12 décembre 2006, la commission d'enquête parlementaire relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la Santé Physique et Mentale des Mineurs a demandé le classement en urgence de l'iboga par la Commission nationale des stupéfiants.
A consulter, dans le rapport 2006 de la MIVILUDES publié le 24 janvier 2007, le chapitre intitulé " Le risque sectaire lié à l'utilisation de certains produits, classés ou non stupéfiants" (P. 160) qui traite du néo-chamanisme et de l'utilisation par certains opérateurs psychosectaires de l'ayahuasca et de l'iboga. http://www.derives-sectes.gouv.fr/publications-de-la-miviludes/rapports-annuels/rapport-annuel-2006 |