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POUR EN FINIR AVEC L’IDÉE DE NATURE......

POUR EN FINIR AVEC L’IDÉE DE NATURE...



 POUR EN FINIR AVEC L'IDÉE DE NATURE... ET POUR REPRENDRE AVEC L’ÉTHIQUE ET LA POLITIQUE

par Yves BONNARDEL

«La règle « obéir à la nature » est vide de sens. La « respecter » est du même tonneau : pourquoi respecter ce qui existe, simplement parce que ça existe ? (…) Les idées reçues se propagent en échappant à tout questionnement critique. Mais les propositions creuses ou fausses ne deviennent pas vraies à force de répétition. Elles constituent un danger parce qu’elles offrent une ligne de conduite illusoire ou erronée face à des problèmes bien réels. Les invocations de la nature en lieu et place de principes clairs de jugement comptent hélas parmi les infirmités majeures qui handicapent les mouvements
qui voudraient changer le monde pour quelque chose de mieux». (Y. B.)


SOMMAIRE

1. La révérence pour l’ordre naturel
2. Nature et éthique : le saut de «ce qui est» à «ce qui doit être»
3. Nature et discriminations intra-humaines
4. Nature et spécisme
5. Nature et biotechnologies
6. En finir avec l'idée de nature, revenir à l’éthique et à la politique

« La nature peut-elle être manipulée et bricolée sans limite? Je me suis amusé à jeter un coup d’œil dans la Bible et j’ai été frappé par ce qui est écrit dans le premier chapitre sur l’Histoire de la Création : on peut lire que les plantes et les animaux sont créés selon leur espèce et qu’ils donnent des graines selon leur espèce. Ainsi, l’idée que des mélanges peuvent intervenir est étrangère à la mentalité antique. On évoque, également, dans le Livre du Deutéronome, le fait que les mélanges sont interdits. Il ne faut pas atteler un âne et un bœuf à la même charrue ni mettre des céréales dans un champ de vignes ni coudre une pièce de lin sur un habit de laine, etc. Il reste toujours cette idée qu’il existe un certain ordre et que la remise en cause de cet ordre pose problème. » Jean-Marie Pelt (1)

Cette citation de Jean-Marie Pelt, pour caricaturale qu’elle soit, est représentative d’un important courant de  critique de la modernité; même si la plupart des opposants n’iraient pas jusqu’à reprendre tel quel ce type d’« argumentation », l’idée qu’il ne faut pas intervenir dans l’«ordre naturel» sous peine de le détruire et de susciter des catastrophes (analogues à la destruction par le feu de Sodome et Gomorrhe, déjà condamnées en leur temps pour pratiques contre-nature !) reste bien vivace et alimente le rejet du monde moderne. Comme s’il n’y avait pas d’autres raisons, moins réactionnaires et plus sérieuses, de le critiquer et de vouloir le changer !

L’idée de nature est omniprésente dans les discours normatifs. Ce qui est naturel est bien, répète-t-on depuis des lustres. La nature est un ordre, harmonieux, où toute chose est à sa place, qu'il ne faut pas déranger. Elle génère un sentiment religieux de respect, au sens d'adoration et de crainte (comme de soumission devant tout ce qui nous paraît puissant et dangereux). En soi, déjà, cultiver ce type de sentiment mystique de « respect » de ce qui peut apparaître comme une puissance, et de soumission (même déguisée en « volonté d’harmonie ») à un ordre, ne paraît pas de bon augure… En pratique, l'attitude est bien sûr plus ambiguë : tantôt les humains dénoncent avec indignation ce qu’ils jugent contre-nature, tantôt ils célèbrent les conquêtes qui ont permis à l’humanité d’échapper aux rigueurs de sa condition primitive. Personne ne souhaite vraiment que nous imitions la nature en tous points, mais personne ne renonce pour autant volontiers à l’idée que la Nature doit nous servir d’exemple ou de modèle. L'idée de nature touche un sentiment profond, religieux, et affecte aussi nos positions éthiques et politiques fondamentales. Les considérations sur ce qui est contre-nature et ce qui est naturel (censé être équivalent à : normal, sain, bon…) viennent bien en effet trop souvent court-circuiter la réflexion éthique et politique sur ce qu’il est bon ou mauvais de faire, sur ce qui est souhaitable et pourquoi, en fonction de quels critères. L’idée de nature «pollue» hélas les débats moraux et politiques…

1.         La révérence pour l’ordre naturel

Le naturel reste fortement associé à des jugements de valeur. La «communication» capitaliste l'illustre caricaturalement : la publicité utilise le mot « nature » pour désigner ou évoquer n’importe quelle notion à connotation positive : campagne, santé, tradition, éternité, force, authenticité, sagesse, simplicité, paix, splendeur, abondance...

L’idéologie du « respect de la nature » l’emporte de plus en plus sur celle de la victoire sur la nature (l’une et l’autre à notre avis se valent). Les avancées des sciences et techniques sont habituellement saluées comme des progrès sans que cela empêche pourtant de ressasser des propos alarmistes sur les risques encourus en jouant aux « apprentis sorciers ». Dans les deux cas, hélas, on fait plus appel à des prêts-à-penser mythologiques qu’à des réflexions sur le caractère positif ou négatif des conséquences pour l’ensemble des êtres qui seront concernés. (…)

Pour lire la suite: http://www.psyvig.com//doc/doc_206.pdf

 


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