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Psychanalyse, durée? : " "Est-il normal qu'une personne soit en psychanalyse avec le même thérapeute depuis dix-sept ans ? Elle le voit deux fois par mois, à raison de trois heures chacune, étalées sur deux journées consécutives mensuellement, cela fait (2 j x 3 h) x 2. Cette personne vient de très loin (mille kilomètres en train de nuit, à l'aller comme au retour). Chaque séance revient à mille francs, le mois entre six et sept mille. Depuis dix-sept ans, le psychanalyste ne lui a rien dit. N'est-ce pas excessif ? Est-il possible de parler de psychanalyse déviante et abusive ?"" |
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Un processus qui dure dix-sept ans à quatre mille francs par mois pose question. Plusieurs éléments sont à considérer. Les revenus du patient tout d'abord. S'il gagne dix mille francs par mois, c'est un abus ; s'il en gagne quarante mille, c'est un accord entre lui et son « psy » car en psychanalyse on considère qu'il existe un lien entre l'investissement financier et le processus. S'agissant de la durée, si la personne a une structure névrotique c'est un processus qui a dérivé et se trouve biaisé. Si la personne a une structure psychotique, c'est un soutien de long cours que le patient ne désire peut-être pas stopper car cela constitue peut-être l'étai qui le maintient dans une adaptation de surface efficace pour vivre à peu près normalement.
Cela dit, deux séances par mois avec un rythme de deux fois trois heures durant deux jours consécutifs est effectivement plus qu'original. Si un patient fait mille kilomètres pour me voir, je vais considérer que cette personne à un problème en lien avec une pathologie probable du narcissisme, surtout si elle me contacte en raison de ma notoriété éventuelle. En règle générale, un psychanalyste sérieux refuse. Mais, en analyse, on considère aussi que la demande est essentielle et ce qui serait à vérifier avec le psychanalyste est la raison qui l'a amené à accepter cette cure particulière.
Ce cas est intéressant. Il montre bien la nécessité d'un ordre professionnel. Tous les éléments que vous mettez en avant demandent à être explorés par rapport à ce qui a conduit le psychanalyste à accepter. Peut-être le processus est totalement déviant, peut-être pas : tout dépend de l'argumentation clinique que le praticien pourrait en faire. L'élément qui peut faire douter du processus est le rythme. Il ne correspond pas à une démarche cohérente. Trois heures dans la même journée, c'est beaucoup trop long. Il faudrait avoir l'argumentaire du praticien pour être en mesure de se prononcer. Sans oublier non plus les moyens financiers du patient. Avant de déterminer une déviance, il faut faire preuve d'une grande prudence.
Au-delà de cet exemple, il est important de garder comme repère que la maladie mentale existe réellement et que certains patients sont malades toute leur vie et qu'ils ont donc besoin de soins de longue durée. L'univers psychiatrique nous confronte à cela. Peu de récupération, moins d'aggravation des tableaux qu'il y a une vingtaine d'années, de gros progrès dans la prise en charge des psychoses infantiles qui s'oblitèrent assez fréquemment à l'adolescence grâce aux soins, davantage de soulagement dû à la pharmacopée, etc. Cette réalité - niée par les psychothérapeutes newagers - n'est pas oublier quand on reçoit certains témoignages de parents ou de patients. La dérive n'est pas certaine. Dans ma propre pratique, la moyenne des thérapies va de trois ans à huit ans. Huit ans, cela concerne un ou deux patients. Mais je sais que je devrai encore composer avec eux d'ici quatre à cinq ans, peut-être dix. En fait, ils ne viennent pas toute l'année, ils viennent quand ils sentent qu'ils ont besoin "d'un petit coup de pouce". Et ils reviennent toujours avec les mêmes demandes. |
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